De tout. De la lecture d’un article dans un journal, d’avoir vu passer une personne devant moi, au feu rouge, ou sans savoir pourquoi, ou parce qu’on me demande si je ne voudrais pas écrire un poème sur la musique et, à peine la question est-elle posée il me vient une idée de musique qui se dégage du bruit et on se demande dans le poème, par la musique et le mouvement du poème mêmes, qu’est-ce qui est bruit ou musique, individu ou foule.
Ou encore en entrant dans une pièce, un regard dans l’angle de la porte, et la géométrie des ombres et des lumières semble appeler un poème en trois strophes qui se partageraient, de manière analogue, ombres et lumières.
Ou encore, parce qu’une amie me parle de ce qu’elle vit comme une insulte et plus encore une dépossession : d’être victime de clichés, et qu’elle me demande si je ne pourrais pas écrire des poèmes en marge d’un roman écrit à cinq écrivains qui se révoltent contre les clichés qui les caricaturent, eux et tous les habitants de leur île, – alors je pars dans une rêverie, une réflexion sur ce que sont les clichés et comment ils se fabriquent tous les jours, selon quelles règles rhétoriques, selon quelles déformations systématiques de notre vision du monde, et de là, actionnant en quelque sorte la même vis sans fin mais dans l’autre sens, se dégage toute une manière d’écrire des poèmes en lutte ironique ou colérique contre les clichés – laquelle manière ou méthode ou disposition d’esprit se met à engendrer enfin des poèmes.
De tout et de toutes les manières possibles.
À chaque fois qu’on invente un poème on invente aussi une manière de faire des poèmes.
Réponse à une question de Grégory, classe de troisième.
Une des questions posées par les classes de Madame Caroline Schuhmann-Lepley, collège E. Herriot, dans le cadre d’une résidence organisée par Cathie Barreau et Guénaël Boutouillet.