Une première récriture des notes prises ce 21 janvier ; le chapitre publié est plus complet, du lundi au samedi on y trouve aussi les débuts de ce qui sera nommé l’affaire Kerviel, et des procès : contre Countrywide, ou de la ville de Cleveland contre les banques prédatrices, etc.
Chute des marchés d’action partout. En France, moins 6,83%.
Probablement, de tous les éléments qui puissent déclencher cela, le plus nouveau et le plus terrible : Ambac, le numéro deux des rehausseurs de crédit, a perdu son brevet de survie, il est passé de AAA à AA, sa note dégradée par Fitch Ratings parce qu’il a renoncé à une augmentation de capital de 1 milliard de dollars pour conforter ses fonds propres. En fait, ils ont tant de créances creuses, vides, hurlantes, qu’ils doivent se faire acheter mais par qui, sinon faillite. Et réactions en chaîne.
Pour la première fois le mot krach, quand il aurait pu être employé plusieurs fois déjà, quand il le sera d’autres fois encore cette année, et pour des chutes bien plus brutales.
Le vocabulaire du désordre, de la passion, de la folie, de l’inexplicable : pour cacher ceci, qu’il s’agit de chiffres, que c’est calculable et descriptible et qu’en effet ce l’est, ce l’a été, ce le sera, et depuis et pour longtemps.
Agitent spectre, affolement, panique, pour s’épargner de devoir être lucides et plus encore de rendre compte à la raison, à la raison publique.
Tard dans la soirée une amie m’écrit :
eh bien, mon ami, tu avais tout bon
et maintenant, il se passe quoi ?
Réponse -
- Les ménages US continuent de se faire vider de leurs maisons et doivent aller vivre chez des amis, dans la famille, en caravane, ou rejoindre des foyers, ou aller à la rue car les emprunteurs qui ne peuvent plus payer seront cette année environ deux fois plus nombreux que l’année dernière (sachant que le bordel présent est provoqué par ces faillites passées) (quelques centaines de milliers déjà, sur tout ce cycle, en deux ou trois ans en raison du temps que prennent les procédures, peut-être en fin deux millions de ménages).
- Plus de 280 établissements de crédits ont déjà fermé leurs portes, ont été rachetés, etc., l’hécatombe va continuer, ce qui entraîne licenciements, etc.
- De même l’immobilier commercial, la construction, de proche en proche toute l’activité économique (statistiques et histoires dans chacun de ces secteurs) gagnée par la diminution d’activité.
- Après les crédits immobiliers, crise identique sur les cartes de crédit à la consommation.
- Idem, les finances des États (Californie, Michigan, etc.) en faillite (c’est en cours et documenté dans ce journal que je tiens) provoquant abandons de programmes, fermetures d’unités, de bureaux, d’administrations entières - et catastrophes en chaîne pour l’environnement, la culture, la santé, etc.
- Faillite d’un ou plusieurs très gros banquiers (candidats : Citigroup, Merril Lynch, Union de Banques Suisses, Crédit agricole, Bank of China).
- Faillite d’un ou deux « rehausseurs de crédit » sachant que les créances qu’ils détiennent sont énormes : Ambac, un de ceux qui sont touchés aujourd’hui (événement déclencheur dont les commentateurs pourtant informés ne parlent pas au public) assure 565 milliards de dollars d’obligations – et qu’ils assurent ensemble (Ambac + MBIA + …) 2400 milliards d’obligations – à comparer aux 140 milliards du plan Bush qui n’existe pas encore et qui représente 1% du PIB US… – cette vague tu le vois est monstrueusement plus haute que celle des crédits immobiliers, que celle des cartes de crédit…
- Chute aggravée du dollar et révolte et panique des créanciers (Japon, Chine, Europe, etc.) qui découvriront qu’ils sont assis sur des montagnes de monnaie de singe.
- À terme (ça va aller vite, moins de dix ans), les citoyens US verront leur niveau de vie réduit de moitié.
- Tentatives guerrières (genre Iran), suivies ou accompagnées de nombreuses fermetures de bases US dans le monde.
- Chute lourde de l’économie britannique (c’est commencé) où 20% des emplois sont directement liés à l’industrie financière ce qui est une des plus hallucinantes folies qu’on puisse imaginer.
- Chute triste et dramatique de l’économie espagnole gonflée à l’immobilier et au crédit.
- Explosion des bulles financières, immobilières et autres en Chine, révoltes.
- Chute lourde de l’économie japonaise (commencée).
- Récession mondiale, aucun pays n’y échappe, ceux qui souffrent le moins peut-être, pour ce que j’en comprends, Amérique latine et autres les moins dépendants de l’exportation et dotés quand même d’une base productive diversifiée.
- Essor des églises et de toutes les haines associées.
- Aucune révolution en vue.
Ils diront, tous entraînés vers le fond : la situation est terrible, vous voyez bien qu’il faut plus que jamais et plus vite encore diminuer les impôts des riches, diminuer les cotisations sociales, fermer les bibliothèques puisque les gens ont plus urgent à faire, etc.
Ils vont dire, ils disent déjà, oh, quelle surprise, qui pouvait prévoir, personne ne savait rien.
Ensuite, au plus fort, au plus bas, flots, ce sera : ah, quel malheur, regardez tous ces malheureux, c’est terrible. Compassion. Reportages véristes.
Enfin, dans les ruines : allons, tous ensemble, au travail, courage, héroïsme.
Ce qu’ils cherchent : jamais et à aucun moment comprendre, ni réfléchir, ni enquêter. Toujours regarder ailleurs, parler d’autre chose, indiquer la lune en plein jour.
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Un entretien à propos de ce Journal avec la rédaction de YonneLautre.