Nous sommes toujours à Paris, dans cet état d’entre-deux qui précède la guerre, dans ces préparatifs de guerre couverts par la paix de Munich qui livre le Tchécoslovaquie à l’Allemagne nazie :
(..) everything is allright, déclara le vieillard en haut-de-forme en arrivant à Croydon, c’est la paix pour notre temps, promit-il en faisant son entrée à Londres et voilà qu’à Paris aussi les masses se répandirent dans les rues, à l’aéroport du Bourget, dans la rue Lafayette, sur le boulevard Haussmann pour accueillir leur faiseur de miracles et l’inonder de fleurs, pour célébrer la victoire des classes dominantes. Une fois de plus le capital avait transformé sa faillite latente en un déploiement agressif de pouvoir, depuis leurs limousines noires sous un soleil qui dardait, les administrateurs des trusts saluaient avec bienveillance ceux qu’ils avaient trompés, dupés et qui voulaient rompre les cordons de police aux carrefours des rues. Ils souhaitaient tous la paix ; ils souhaitaient vivre tranquilles et ils n’osaient pas demander de quelle sorte était cette paix (...)
L’Esthétique de la résistance, vol. II, pp. 38-39.
Le narrateur visite, une dernière fois, le musée du Louvre qu’on vide de ses visiteurs et de ses tableaux ; il voit quand même quelques tableaux, du coin de l’œil, au milieu de la bousculade. L’ultime impression qu’il emporte est celle
d’un panneau, presque une miniature, sur lequel Saint Ranier traversait les airs devant le mur de la prison dans lequel il avait percé un trou d’un geste de la main, afin de libérer les pauvres qui avaient été jetés dans la cave. Le saint ne planait pas, il filait comme un projectiles, ses jambes disparaissaient dans un nuage embrasé.
L’Esthétique de la résistance, vol. II, p. 46.
Ces visions, cette fois-ci non longuement méditées, comme nous venons de le vivre avec le tableau de Géricault, Le Radeau de la Méduse, mais presque instantanées, ont une fraîcheur, une netteté, elles nous donnent une joie sans comparaison.