On n’a pas le droit d’être malheureux – c’est interdit.
Non : faut pas l’être – et c’est une insulte au malheur
irréversible, définitif, celui des morts proches, en masse,
que d’être hésitant ou inactif, incertain.
Au moindre voile de tristesse : tu bondis – fais sourire.
Je cède au soleil, à la tranquillité de l’air, au pas lent
de qui passe. Suis niché dans un creux où le tabac
froid mouillé toute la nuit rend encore son odeur
d’angoisse figée, apaisée, rémanente. Qui prendra le droit
de voir plus loin que le bout de son nez ? Qui, comment
et pourquoi donc ? s’autorisera à imaginer au-delà de sa couche
un monde où nous-mêmes, à nouveau, autrement
aurons l’ambition de refaire d’abord et surtout la pousse
des petits et aussi toutes les rives des rivières données
aux fleurs, aux poules d’eau, aux barques allongées
aux grenouilles fines, aux herbes éclairées de par-derrière les oreilles.
Sur la place qui aura changé de forme les maisons
aux jardins verts ouvriront leurs pentes. On boira le vin choisi.
Mots échangés librement. Possibles présents
juste assez pour sentir l’air vif.
14 septembre 1997
Du même recueil :
Dans les rendez-vous ratés...
imagine trois tigres
Kyoto
Dans la rue